Login

La coopérative à la une Chez Coop Matha, une nouvelle page s’ouvre

J.-M. Nossant

Avec un nouveau site de stockage branché énergies renouvelables, pour accompagner sa stratégie de filières, Coop Matha prend un tournant historique, tout en entamant une réflexion stratégique à l’horizon 2026.PAR Hélène LaurandelPHOTOS : JEAN-MICHEL NOSSANT

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Un alignement de sept cellules flambant neuves, doublées de six autres, nous accueille juste avant d’arriver sur la commune de Matha, en Charente-Maritime. Cette nouvelle installation de stockage de 11 500 t (seuil maximal pour rester site à déclaration) appartient à Coop Matha et est opérationnelle depuis décembre 2020. La coopérative charentaise a en effet acquis une parcelle de 13 ha sur une commune adjacente afin d’y déménager ses installations situées dans le centre-ville de Matha depuis 1938. Poussés par les pouvoirs publics et la commune à quitter un emplacement à côté duquel s’était installée depuis l’école de la commune, les dirigeants de la coop ont amorcé il y a quatre ans ce projet qui a commencé à sortir de terre en août 2019.

« De toute façon, notre ancien stockage à plat n’était plus agréé par les minoteries sur certaines filières », commente Thierry Buna, directeur de Coop Matha. Cependant, l’appro ne quittera pas les lieux avant 2024, lorsque tout sera aménagé et pourra accueillir également les bureaux et le centre de conseils œnologiques. « Seul le Gamm vert restera en centre-ville. Des pourparlers sont engagés avec la mairie pour la reprise de notre site afin de le transformer en infrastructure communale. »

Des cellules de 850 t chacune

C’est donc une nouvelle page qui s’ouvre pour la coopérative charentaise qui a investi à ce jour 4,5 M€ dans une première tranche englobant silo, local d’agréage, hangar et voirie, pour un dossier de 6,5 à 7 M€ au total. Un appel à projets IAA a permis de bénéficier d’un financement à hauteur de 20 % de l’investissement, auquel ont pu s’ajouter 10 % supplémentaires si l’entreprise s’engageait dans une démarche RSE. Soit au total un apport de 900 000 € par la Région Nouvelle-Aquitaine et le fonds européen de développement régional (Feder). Coop Matha a passé alors, en 2018, le Diag3D pour ensuite entrer dans la démarche « engagé RSE ». Les 3,6 M€ restant à financer ont fait l’objet de prêts par le Crédit coopératif, la Caisse d’épargne, le Crédit Agricole, la Palatine et BPI France, ainsi que d'un apport de capital propre d’1 M€ par trois fonds d’investissement (dont la Région Nouvelle-Aquitaine).

Ce nouvel outil logistique va permettre d’optimiser la gestion de l’ensemble des filières développées. « Nous avons préféré des cellules de moyenne capacité, 850 t chacune, pour pouvoir alloter en vue de nos différentes productions », commente Philippe Doublet, président de Coop Matha. En effet, l’objectif principal de la coopérative est de trouver des sources de valeur ajoutée pour ses agriculteurs adhérents. Cette recherche se traduit par une forte progression du nombre d’espèces cultivées et de cultures sous contrat filière. « En cinq ans, nous avons multiplié par 2,5 le nombre d’espèces travaillées (15 espèces) », explique Frédéric Patcina, responsable appro grandes cultures.

Ainsi, à son menu, la coop inscrit blé tendre et blé de force, faisant l’objet tous deux d’une filière label rouge depuis l’an dernier, blé biscuitier, blé en pureté variétale, blé dur, maïs ou tournesol classique, maïs waxy, maïs semoulier (lancé cette année avec l’union L’Entente, dont Coop Matha est membre), orge de brasserie, avoine, œillette bleue alimentaire (graines de pavot pour les boulangeries, par exemple), avoine blanche (flocons d’avoine), lin hiver oléagineux (alimentation animale), lin jaune de printemps (graines alimentaires), tournesol oisellerie, millet (alimentaire), un peu de soja et un chouïa de féverole pour des demandes particulières. L’an dernier, du sorgho a été emblavé pour remplacer du blé non semé et il a été récolté 800 t, « mais nous ne le referons pas car le sorgho a souffert de l’été sec », précise Philippe Doublet.

Jusqu’à 50 €/t de prime

À la clé, des primes importantes offertes aux producteurs. « Ainsi, l’an dernier, nous avons fait pour la première fois du maïs waxy, avec des primes montant jusqu’à 35 €/t. De même, nous sommes partis en label rouge en blé tendre et blé de force avec une prime de 15 €/t. Avec la prime en blé de force, l’agriculteur peut toucher un total de 50 €/t, relate Thierry Buna. Nous cherchons davantage à consolider nos marchés filière qu’à développer la collecte. Ainsi, plus de 60 % de nos blés sont sous contrat et plus de 75 % de nos maïs. »

Cette recherche de valorisation explique la décision de ne pas partir en HVE sur les grandes cultures « tant que nous n’avons pas de débouchés en face ». Contrairement à l’activité viticole, avec l’accompagnement par la coop de la démarche CEC (HVE renforcée) d’une filière Cognac qui se porte très bien. Coop Matha fait d’ailleurs 50 % de son appro sur le secteur vignes et connaît de bonnes marges de progression comme en palissage, en hausse de 50 % cette année, depuis les nouvelles autorisations de plantation. La coopérative contrôle aujourd’hui 2 200 ha de vignes. Elle couvre au total 11 000 ha de cultures, pour un potentiel de 16 000 à 17 000 sur son périmètre territorial.

Une fidélisation consolidée

Une couverture que la politique de filières ne peut que consolider en concourant à fidéliser les coopérateurs. Tout comme le programme dédié aux jeunes agriculteurs contribue à cette fidélisation par une offre de services à moitié prix durant trois ans et un accompagnement gratuit sur la HVE. « Et nos démarches filières les intéressent tout particulièrement, observe Thierry Buna. Nous tâchons d’avoir une bonne proximité et une forte image de territoire par notre stratégie de filières et par les services proposés, le Gamm vert, le centre de conseils œnologiques. Dans nos locaux, nous logeons aussi deux groupements d’employeurs, Eiva et Eva, dont l’objectif est de proposer des CDI multi-employeurs ; par exemple, cinq à six mois à la collecte chez nous et cinq à six mois dans les vignes. » De même, la création, avec d’autres OS de la région, de la SAS Aquitabio afin de commercialiser la collecte bio, entre dans cette politique de proximité tout en répondant aux demandes des adhérents bio.

De la géothermie pour ventiler

Le lancement de la démarche « engagé RSE » en 2018 participe aussi à conforter cette politique territoriale et conduit à renforcer l’approche environnementale. Ainsi, les nouvelles installations s’inscrivent dans le cadre d’un appel à projets régional pour les bâtiments du futur, avec l’objectif de produire plus d’énergie qu’il n’en est consommé. Une ombrière reçoit déjà une toiture en photovoltaïque, tout comme le futur stockage appro en recevra une. « Au final, on sera sur une production de 500 kWc par le photovoltaïque. »

D’autre part, un dispositif de géothermie chauffera les bureaux et ventilera les cellules à basse température via une pompe à chaleur eau/air, et ce pour éviter les insecticides au stockage. Ce dispositif est en cours de validation avec l’Ademe. Dernier point pour être éligible au bâtiment du futur : la structure doit être en bois à l’image du nouveau local d’agréage. « La norme du bâtiment du futur sera imposée en 2022. Nous sommes donc plutôt en avance. » Une aide a déjà été versée pour les études (à hauteur de 50 %) et une autre aide pourrait être attribuée pour la mise en œuvre.

Il est prévu également de mettre le transport au vert. Dans le cadre de L’Entente, les camions vont rouler au B100, produit à partir du colza des adhérents. « Un tel dossier joue en faveur de notre image. Nous souhaitons avoir une politique très orientée vers le biocontrôle, le bio, le label rouge, afin de nous retrouver dans des évolutions favorables et être vertueux dans nos actions de tous les jours, comme dans le domaine des bâtiments ou du transport. »

VERS UNe réflexion stratégique 2026

Cette recherche de sécurisation de l’activité et de la pérennité de la coopérative se retrouve également dans le choix du conseil d’administration et de la direction de mettre en œuvre une réflexion stratégique articulée autour d’une analyse actuelle de la coopérative, d’une vision prospective et d’un plan d’action à l’horizon 2026 avec l’appui d’un cabinet de conseil extérieur.

© Jean-Michel Nossant - « Nous avons aujourd’hui une véritable offre de territoire entre notre Gamm vert, notre centre d’analyses en vin et céréales, et deux groupements d’employeurs que nous soutenons en les hébergeant », affirme Thierry Buna, directeur de Coop Matha.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement